19 mars 2011

Libye, jour 1 (du moins pour nous)

Le blog vient à peine d'être crée que je déroge déjà à l'utilité que je lui avais préalablement assigné vomir sur tout le monde, tout le temps. Mais j'écris ce "papier" devant la télé, où tournent en boucle les images de la Libye, et d'autres de vieux documentaires sur le Rafale et la BA 113 que les JT recyclent faute de "vraies" images à montrer. C'est juste un ressenti et des questions stupides.

Des avions français survolent la Libye, et ont déjà détruit plusieurs chars des forces pro-Kadhafi. L'intervention militaire est sans doute trop tardive, au moins est-elle. Si plusieurs types d'avions ont décollé de France (Mirages, Rafales, ravitailleurs,...), les Rafales viennent (tous ?) de Saint-Dizier, Haute-Marne, Saint-Dizier, ville pourrie peut-être, mais je n'ai jamais eu besoin d'encre pour porter et ses lieux et ses gens tatoués profond sous la peau. Telle que je devine les choses, si du moins je le peux, c'est l'Escadron 1/7 Provence qui a pris l'air, peut-être aussi le 1/91 Gascogne. Et à cause de tout ça, bizarrement peut-être, c'est d'abord au personnel de la Base Aérienne (BA), et singulièrement aux pilotes, que je pense en voyant ces images.

Qu'est-ce que ça fait d'être un pilote Rafale en ce moment ? Qu'ont ressenti ces types, dont certains ont à peine 25 ans, quand ils ont entendu "Dans deux heures, vous décollez", ou pas loin ? Est-ce que, comme certains de leurs prédécesseurs, partis pour le Kosovo il y a des années, ils sont venus au boulot ce matin  (ou plus probablement il y a quelques jours) comme d'habitude, et ne sont pas rentré le soir, sans que leurs familles ne soient prévenues, et surtout pas par eux, de leur absence, de ses raisons et de sa durée ? Pas folle, l'Armée divulgue rarement ces infos en amont des opérations.

Qu'ont ressenti ces pilotes, alors que pour plusieurs, c'est la première mission de guerre ? Est-ce qu'ils se sont dit que pour la première fois, ils allaient vraiment faire leur boulot, ce job pour lequel ils se sont (sur)entraînés, mais dont ils se sont parfois demandé s'ils le feraient un jour, réellement ? Est-ce que ces types parviennent à garder la tête froide (et s'ils sont là, c'est qu'ils savent le faire, a priori), est-ce que "enfin de l'action", est-ce que malgré la maîtrise, l'adrénaline surgit, à certaines nouvelles, à certains ordres, entre deux briefings, et bien sûr au décollage, est-ce qu'en bouclant leurs équipements de vol, les pilotes réalisent que si cette fois c'est pour de vrai, le risque de ne pas rentrer, lui aussi, est réel, et davantage que lors de tous leurs vols précédents ?

Comment font-ils pour les enfiler ces équipements, est-ce qu'on vérifie cent fois chaque détail, est-ce qu'on arrive à appliquer les routines reprises cent milliers de fois, est-ce que les mains tremblent un peu en resserrant les sangles ? Est-ce qu'on se force à la lenteur, dans ce cas ?

Et, mécano, est-ce qu'on a la trouille, quand on serre un boulon, quand on vérifie un système d'armement, de laisser passer un détail infime qui peut tuer son pilote pendant la mission ? Et tous les aides, les petits, sous-off et hommes du rang, ceux qui font le plein, ceux qui répondent au téléphone, ceux qui sont sur la piste, à quel point la gravité leur colle aux basques, même s'ils ne volent pas ?

J'ignore quasi tout de l'Armée de l'Air, de l'Armée en général, de la vie et du métier des types qui portent sur l'épaule, en ce moment, un patch qui semble sortir d'une escadrille de chasse de la seconde Guerre mondiale, casque de Bayard, crâne, aigle, croix de Jérusalem, alors que leur métier aujourd'hui est très éloigné, je crois, de celui des pilotes de l'époque. Toutes mes questions sont sans doute stupides, la Défense, c'est une affaire de professionnels, c'est plus froid que mes élucubrations.

Mais, (qu') est-ce qu'on vit, quand on part à la guerre ?